Nous entrons dans une bibliothèque comme si nous entrions dans un temple. Dans un temple, les objets sont disposés de telle sorte qu'ils répondent à un certain ordre, lié au sacré. À un appel qui, dans la mesure où il est authentique, nous conduit à un état de contemplation qui nous dépasse en même temps. Sans encore trop comprendre, notre regard s'y promène en tentant d'embrasser et d'étreindre. Dans une bibliothèque, les livres sont assemblés de telle sorte qu'ils répondent également à une commande. L'ordre du chaos, celui qui implique les goûts, les désirs, les intentions, les pensées et les interrogations. En d'autres termes, c'est l'ordre de la nécessité, dont parle Didi Huberman : on part d'une nécessité et en ce sens il y a un ordre.
La bibliothèque Legados est fondée sur la nécessité de maintenir la langue en vie. Il s'agit d'une tentative de rassembler, à travers ses livres, une partie de la totalité de la culture latino-américaine. La totalité, ou une partie, de l'Amérique magique, indienne, noire et hispanique. Cela répond à un besoin social, mais aussi à un besoin personnel et biographique. Nous parlons alors d'enracinement comme d'une référence ancrée dans la mémoire, dans les émotions qui habitent le souvenir d'être un immigrant. En ce sens, une bibliothèque est aussi une maison.
L'ordre physique, cette disposition sur les étagères, répond également à l'ordre particulier et intime de Legados, et s'articule sur l'axe du programme de l'espagnol comme langue d'héritage, tout en répondant à un ordre universel. En ce sens, notre bibliothèque est organisée selon le code Dewey des bibliothèques du monde, de sorte que nous oscillons entre notre propre ordre qui fait appel à des formes d'usage universel.
C'est sur cette idée que repose notre catalogue, où passé et modernité se rencontrent et où prédomine notre collection de livres en espagnol, mais où le lecteur et le visiteur trouveront également des ouvrages en quechua et en nahuatl.
Et puisque pénétrer dans une bibliothèque est aussi un voyage, celui proposé par Legados va de la littérature latino-américaine aux écrivains d'origine hispanique qui écrivent sur le sol canadien et européen. Le voyage s'aventure également dans les magazines pour enfants. Dans des objets de fête et de souvenirs. De ceux-ci, Eduardo Kingman, dans La belleza del mundo, nous dit : " Objets de mémoire, tous petits, bibelots, non-lieux et secrets. Objets de mystère, objets simples, touchés par la vie, touchés par la mort, toujours à eux, toujours magiques, toujours étrangers... objets de mémoire".
La bibliothèque a son propre rythme et ses propres battements de cœur en fonction du moment de la journée où ses utilisateurs la visitent. Il a un côté animé lorsque les petits enfants passent par là, choisissant leur matériel de lecture après un cours de langue, et un rythme plus tranquille lorsque le jour tombe et qu'il reçoit la visite d'adultes ayant l'intention de se plonger dans ses labyrinthes. Mais la bibliothèque aspire également à être un lieu où les lecteurs et les écrivains rencontrent un public.
Une bibliothèque naît et grandit avec l'empreinte d'un temps et d'un lieu. La bibliothèque Legados est née à Montréal, ville à vocation littéraire, et contribue depuis son quartier à la construction d'une société de libres lecteurs.
Enfin, notre maison du livre rend possible la mission de Legados, à savoir l'enseignement des langues par la littérature, l'apprentissage et la transmission d'une langue. Notre engagement et notre raison d'être vont de pair avec la lecture en tant qu'expression de la culture. Dans l'optique d'une bonne coexistence, nous vous invitons à soutenir le projet par votre don ou votre présence.
Agrandissons la bibliothèque de Legados, une bibliothèque appartient à tout le monde ! Et, paraphrasant Benedict Andersen, répandons nos littératures à travers elle, tissons le voyage sans fin entre nos identités et nos langues qui nous définissent en tant que communautés diasporiques et imaginaires.